Adélaïde Labille-Guiard naît à Paris en 1749. Elle est la fille d’un marchand parisien, Claude-Edme Labille, et de Marie-Anne Saint-Martin. Elle se forme d’abord auprès du peintre François-Elie Vincent, portraitiste et miniaturiste, et elle apprend la peinture à l’huile avec le fils Vincent, François-André, qui deviendra son second époux quelques années plus tard.
Mais en 1769, elle commence par se marier avec Nicolas Guiard, dont elle conservera le nom dans sa signature, même après leur divorce en 1793, divorce rendu possible grâce à la nouvelle législation révolutionnaire. En 1769 toujours, elle intègre l’Académie de Saint-Luc. Cette Académie, « rivale » de l’Académie royale de peinture et de sculpture qui lui est interdite en tant que femme, lui donne la possibilité d’exercer le métier de peintre et d’exposer ses œuvres. C’est ce qu’elle fait pour la première fois en 1774 montrant une miniature et un pastel. Dès 1776, elle est listée comme « peintre de pastel et de miniature (…) » domiciliée « rue Neuve-des-Petits-Champs vis-à-vis le rue Royale » (sic) dans l’Almanach des peintres.
A partir de 1782, elle est présente plusieurs années de suite au Salon de la Correspondance avec des portraits, surtout des portraits d’académiciens figurés en buste. Dès 1782, elle est connue comme « excellant dans l’art de bien peintdre en pastel » (sic).
Elle est finalement admise (« agréée et reçue ») à l’Académie royale de peinture et de sculpture le même jour qu’Elisabeth Vigée-Le Brun, le 31 mai 1783, ce qu’elle aura du mal à accepter. Sa réception à l’Académie se fait avec un portrait au pastel du sculpteur Augustin Pajou. Les règles d’entrée à l’Académie imposant que la pièce de réception soit une peinture à l’huile, elle fait suivre ce portrait de Pajou (à gauche) d’un portrait d’Amédée Van Loo (à l’huile, à droite).
Rappelons qu’en 1783, les femmes sont seulement au nombre de quatre à l’Académie : Labille-Guiard, Vigée-Lebrun ainsi qu’Anne Vallayer-Coster et Marie-Thérèse Vien.
A partir de son entrée à l’Académie, Labille-Guiard continue à produire de nombreux portraits au pastel, considéré à l’époque comme une “forme mineure”. Mais elle augmente considérablement ses efforts pour oser des peintures à l’huile de grande taille. La volonté d’être prise au sérieux, comme une peintre professionnelle ?
Au Salon de 1785, elle expose un portrait de groupe : il s’agit d’un autoportrait où elle se représente assise devant son chevalet, accompagnée par deux de ses élèves, Mademoiselle Gabrielle Capet et Mademoiselle de Carreaux de Rosemond. Grâce à cette œuvre, elle devient officiellement le “premier peintre” de Mesdames Adélaïde et Victoire, filles de Louis XV. Pourtant, avec la Révolution française, tout en restant modérée, elle prend le parti d’adhérer aux idées du nouveau régime. Elle travaille pour de nouveaux mécènes et fait une donation patriotique à l’Assemblée nationale. Elle réalise des portraits de députés, dont celui de Robespierre, et elle est même choisie avec le peintre Jacques-Louis David pour réaliser un tableau représentant le roi Louis XVI transmettant la nouvelle Constitution au Dauphin.
Parallèlement à ces activités, elle enseigne mais elle est connue pour n’accepter que des élèves femmes. Durant la période troublée de la Révolution, elle continue à défendre les droits des femmes et prend plusieurs initiatives pour améliorer le statut des femmes artistes, par exemple la création d’une école réservée à la formation des femmes (ce qui ne se fera pas).
Devant l’échec de ses revendications et alors que plusieurs de ses œuvres jugées trop “royalistes” sont détruites par un décret en 1793, elle n’expose plus que de façon irrégulière, mais obtient encore un logement d’artiste au Louvre en 1793.
De son vivant, elle fut comparée à Elisabeth Vigée-Lebrun et appréciée par ses contemporains pour son talent de peintre, de miniaturiste et de pastelliste. Les critiques reconnaissent « son travail approfondi et consciencieux, l’étude fine du caractère de ses modèles, la recherche de la vérité de leurs sentiments et états d’âme, sans que l’artiste sacrifie à la flatterie ».
A sa mort, malheureusement, ses oeuvres tombent rapidement dans l’oubli : son Autoportrait de 1785 est refusé par le Louvre car “sans valeur artistique” et même ses pastels sont considérés comme “un reflet effacé et atténué de La Tour” (en référence aux pastels de Quentin de La Tour). Le seul catalogue raisonné connu de cette artiste date de 1973 et il a été sporadiquement actualisé, en particulier en 2009…
Cependant, parmi les œuvres notables de Labille-Guiard, il faut citer le magnifique portrait posthume de la Duchesse de Parme, Louise-Elisabeth de France (tableau présenté au Salon de 1789, à la veille de la Révolution française).
Ce portrait avait été commandé par Mesdames Adélaïde et Victoire de nombreuses années après le décès de leur sœur en 1759. Il est très intéressant car il montre les nombreuses références culturelles de l’artiste. Ce n’est pas qu’une miniaturiste : elle réalise ici un tableau de taille imposante, empreint de références à Anton Van Dyck (à gauche: La Reine Henriette Marie et son nain, sir Jeffrey Hudson) et à Rafael Mengs (à droite : Portrait d’Isabel Parrena Arce, marquise de Llano).
Si le sujet vous intéresse, je vous suggère de lire la nouvelle traduction du livre de Linda Nochlin, Pourquoi n'y a-t-il pas eu de grands artistes femmes ? (réédité en avril 2021).
Cette semaine, il n’y aura pas de revue de presse culturelle sur Twitch, je vous retrouve donc la semaine prochaine !