Sorti en early access en décembre 2018 avant d’être disponible dans sa dernière version, Hadès est l’œuvre du studio indépendant californien Supergiant Games, à qui l’on doit des jeux comme Bastion, Transistor et Pyre. Il sort dans sa version définitive sur PC et Switch en septembre 2020.
Hadès obtient 5 récompenses lors de la cérémonie des British Academy of Film and Television Arts (BAFTA), notamment celle de “Meilleur jeu”, devant The Last of Us II, pourtant nommé dans 14 catégories. Les BAFTA est une cérémonie britannique récompensant les films, les séries et depuis 2004 les jeux vidéo.
En tant que jeu d’action-RPG, conçu en perspective isométrique, Hadès remporte, en plus du prix du “Meilleur jeu”, ceux de “Meilleur récit”, “Meilleur game-designer”, “Meilleure réalisation artistique” et “Meilleure interprétation dans un rôle secondaire”.
L’intrigue
Le joueur incarne Zagreus, prince des Enfers et fils d’Hadès. Il tente de quitter le royaume des morts et de rejoindre l’Olympe. En chemin, il est soutenu par les divinités de l’Olympe qui lui accordent des bénédictions pour traverser les différentes salles dans lesquelles il affronte des monstres et des boss (ennemis plus puissants à battre à la fin d’un niveau).
Bien que le jeu s’appelle Hadès, l’histoire est donc axée sur un personnage “secondaire”, voire inconnu de la mythologie. Cependant, en arrière-plan, la relation entre le dieu des enfers, Hadès, et Perséphone, son épouse, est évoquée puisque Zagreus tente de la rejoindre. Pour rappel, dans la mythologie grecque, Perséphone, fille de Zeus et de Déméter, déesse de l’agriculture, est enlevée par Hadès qui en fait son épouse. Ayant consommé de la grenade, nourriture des morts, elle est dans l’obligation de rester aux Enfers pour l’éternité. Mais, face à l’intervention de sa mère qui menace la terre d’une famine, Hadès accepte que son épouse séjourne la moitié de l’année en dehors des Enfers…donnant ainsi naissance au cycle des saisons.
Zagreus n’est d’ailleurs pas un personnage dont l’identité est bien définie dans la mythologie : il est tantôt considéré comme un fils d’Hadès ou de Zeus, ou bien considéré comme une des facettes de Dionysos. L’identification au personnage principal se fait donc d’autant plus facilement, comme cela est relevé par plusieurs intervenants dans l’épisode consacré à Hadès du podcast Le Player Club.
Parmi les boss importants, le joueur retrouve des figures majeures de la mythologie : les Érinyes, Thésée et le Minotaure (ici, sous son vrai nom, Astérion) ou encore l’Hydre de Lerne. Une grande familiarité existe entre Zagreus et ces boss qui n’hésitent pas à se moquer de lui et de ses différentes tentatives pour quitter les lieux chtoniens.
Ainsi, l’Hydre de Lerne, “Lernie, l’hydre décharnée”, n’a rien à voir avec le monstre qu’affronte le héros Hercule parmi les travaux qui lui incombent. Cependant, on retrouve dans les bénédictions que les dieux accordent à Zagreus des caractéristiques similaires aux mythes antiques : pour l’Hydre de Lerne, Hercule est aidé en partie par Athéna pour venir à bout de la bête à plusieurs têtes qui saccage bétail et récoltes de la région d’Argos.
La bande-son du jeu est intéressante. On la doit à Darren Korb, qui avait aussi composé la très belle musique de Transistor en 2014.
Je vous invite à aller vous perdre dans ce documentaire (en anglais) de Noclip en 6 épisodes sur toute la conception du jeu : ses inspirations artistiques, musicales,...
Le jeu peut être considéré comme un rogue-like : les différentes salles visitées remplies d’ennemis, la succession des pièces modifiée à chaque partie, la difficulté du jeu, l’absence de sauvegarde durant chaque “run” et l’inexorable retour dans la Maison d’Hadès, si l’on a le malheur de mourir avant d’avoir atteint la surface,…
Cependant, on apprend de ses erreurs et réaliser plusieurs fois le chemin entre les Enfers et la sortie permet de débloquer de l’expérience et de ramasser des objets : clés pour déverrouiller de nouvelles armes, nectars à offrir aux personnages rencontrés,…
Justement, Zagreus rencontre des dieux (Aphrodite, Arès, Artémis,…) et des personnages de la mythologie antique comme Patrocle, Orphée et Eurydice ou Sisyphe. Les dieux lui accordent des bénédictions, permettant d’améliorer ses techniques d’attaque ou d’esquive. Ils lui donnent aussi un objet spécifique, par exemple un plumeau pour récupérer de la vie en cassant de la poterie. On ne dit jamais assez tout ce qu’on réussit à faire en cassant de la poterie dans les jeux vidéos...
Ce jeu offre une relecture agréable de la mythologie antique. Pour atteindre l’OIympe, Zagreus traverse les Enfers et passe par le Tartare, le Pré de l’Asphodèle, les Champs Elysées et le Styx. Le Tartare correspond à la prison des Enfers : l’univers graphique donne une belle illustration des salles aux murs de pierre, semblables à des geôles. Le Pré de l’Asphodèle est le lieu où réside les fantômes des morts, ceux qui n’ont commis aucun crime ou aucune action bénéfique, une sorte de Purgatoire de l’Antiquité, une salle d’attente pour l’éternité. Les Champs Elysées est le lieu réservé aux hommes vertueux et aux héros, ce qui explique que Zagreus y rencontre Patrocle, puis Thésée et Astérion (le Minotaure). Le Styx est la dernière étape du parcours, où Cerbère monte la garde.
La semaine prochaine, je vous propose une deuxième partie pour analyser plus en détails des thèmes récurrents du jeu : la mort (Thanatos et Charon) et les rapports entre Zagreus et les dieux Olympiens.
Et on se retrouve demain sur la chaîne Twitch pour la revue de presse culturelle de la semaine à partir de 18h30 !
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