Aux Etats-Unis, le trajet vers le chemin de l’école fut parfois semé d’embûches.
« Notre problème à tous » (The Problem We All Live With) par Norman Rockwell
Qui est Norman Rockwell ?
Norman Rockwell est un artiste, peintre et illustrateur américain, né à New York en février 1894 : il est connu pour les couvertures qu’il réalise dans la presse, d’abord pour le Saturday Evening Post puis pour le magazine Look. Au début du XXe siècle, il intègre la Chase School of Fine and Applied Arts avant de rentrer à l’Art Students League à New York, en 1910. La même année, il dessine pour la première fois l’illustration d’un livre, « Tell me why, Stories » et commence un travail d’illustrateur pour la revue Boy’s Life (le magazine mensuel des Boy Scouts américains). Seulement âgé de 22 ans, il est repéré en 1916 par George Horace Lorimer, le directeur du magazine Saturday Evening Post pour lequel il travaillera jusqu’en 1963. En parallèle de cette activité, il illustre les romans de Mark Twain, Tom Sawyer et Huckleberry Finn, il crée des publicités pour des marques comme Coca-Cola ou les cafés Maxwell House. En 1943, il publie une série majeure de tableaux : Les Quatre Libertés.
Dans les années 60, alors que l’illustration décline au profit de la photographie, il quitte le Saturday Evening Post pour le magazine Look qu’il intègre en 1964. Ce magazine lui donne la possibilité de traiter de thèmes plus ancrés dans les questions de l’époque, en particulier le mouvement des droits civiques et les problèmes de ségrégation.
Quelle est l’histoire derrière ce tableau ?
C’est dans ce contexte qu’il compose le tableau Notre problème à tous (« The Problem We All Live With »), publié dans le magazine Look le 14 janvier 1964.
L’artiste a représenté dans cette œuvre les suites du processus de déségrégation de l’école. Depuis l’arrêt Brown v. Board of Education, rendu par la Cour Suprême des Etats-Unis le 17 mai 1954, la ségrégation raciale est considérée comme inconstitutionnelle dans les écoles publiques. L’obligation qui incombe au système d’éducation publique des Etats-Unis d’admettre dans un même établissement des enfants blancs et des enfants afro-américains sera étendue au niveau fédéral dès l’année suivante.
Cette scène correspond au premier jour de Ruby Bridges, petite fille afro-américaine, dans une école de la Nouvelle-Orléans, la William Frantz Elementary School, jusque-là fréquentée uniquement par des enfants blancs. Elle est escortée par des agents fédéraux, dont le cadrage du tableau ne montre pas les visages, pour se rendre à l’école. En arrière-plan, le mur comporte deux inscriptions : au centre, l’insulte « Nigger » et à gauche, le sigle du Ku Klux Klan, « KKK ». La violence du racisme est mise en avant par ces deux inscriptions et accentuée par la couleur rouge sang laissée par les tomates balancées contre le mur et écrasées au sol.
L’artiste a utilisé des photos comme sources d’inspiration de son tableau : les photos originales de l’événement, de la petite Ruby et des agents fédéraux, ainsi que des photos de modèles incarnant les personnages et prises dans son atelier.
Cette œuvre est un symbole dans l’histoire du mouvement des droits civiques. A l’occasion du 50e anniversaire de cet événement, l’entrée pour la première fois d’une écolière afro-américaine dans une école autrefois réservée aux écoliers blancs, le tableau est prêté par le musée Norman Rockwell à la Maison Blanche, à l’époque occupée par Barack Obama.
Norman Rockwell a aussi produit d’autres œuvres pour dénoncer cette ségrégation qui divise tant la société américaine.
Murder in Mississippi est une illustration pour Look du 29 juin 1965 qui accompagne un article intitulé « Southern Justice ». Cet article dénonçait le fait que la justice du Sud des Etats-Unis était totalement blanche et que la communauté afro-américaine ne bénéficiait d’aucun représentant pour la défendre. Rockwell représente un événement qui eut lieu en juin 1964 et au cours duquel trois militants des droits civiques, Michael Schwerner, James Chaney et Andrew Goodman, furent froidement assassinés à Philadelphie par des membres du Klan, dont le shérif adjoint Cecil Price (chevalier blanc du Klan), au motif qu’ils avaient notamment aidé des afro-américains à s’inscrire sur les listes électorales. Comme pour « Notre Problème à tous », il s’est servi de photographies de modèles pour composer son tableau qui n’est pas sans rappeler le Tres de Mayo de Goya.
Dans New Kids in the Neighborhood, une illustration pour Look du 16 mai 1967, il représente à nouveau la déségrégation avec des enfants comme modèles, mais cette fois-ci il choisit d’adopter un regard bienveillant et une « philosophie » de la tolérance en mettant en avant les points communs existants entre les communautés, comme par exemple le goût pour le sport, chacun des garçons tenant justement un gant de baseball.
Norman Rockel disait : “The secret to so many artists living so long is that every painting is a new adventure. So, you see, they’re always looking ahead to something new and exciting. The secret is not to look back.” Ce qui veut dire : « Le secret de tant d’artistes qui vivent si longtemps est que chaque peinture est une nouvelle aventure. Donc, vous voyez, ils recherchent toujours quelque chose de nouveau et de passionnant. Le secret c’est de ne pas de regarder en arrière. »
En savoir plus :
Le site du Norman Rockwell Museum (à Stockbridge, Massachusetts) : https://www.nrm.org/
Film « Murder in Mississippi » (1990) en intégralité sur Youtube
Film « BlacKkKlansman : J’ai infiltré le Ku Klux Klan » (2018) : à partir de l’histoire vraie de Ron Stallworth, un officier de police afro-américain qui a réussit à infiltrer les rangs du Klan dans le Colorado à la fin des années 70.
Petite vidéo Arte (A Musée Vous, A Musée Moi) reprenant le thème de « Notre Problème à tous » : « J’ai pas envie d’aller à l’école »
Et on se retrouve demain, mercredi, sur la chaîne Twitch pour la revue de presse culturelle de la semaine à partir de 19h !
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PRESENTATION TRES INTERESSANTE ET INSTRUCTIVE !