Raji : An Ancient Epic est un jeu vidéo développé par le studio Nodding Heads Games, basé à Pune dans l’Etat de Maharashtra, en Inde.
Malgré une campagne de financement participatif lancée en 2017 sur la plateforme Kickstarter, le studio ne réussit pas à remplir son objectif initial. C’est finalement grâce à un partenariat avec l’éditeur de jeux Super.com en 2019 que le jeu peut sortir dans sa version définitive en août 2020 sur la console Nintendo Switch, avant d’être disponible en octobre de la même année sur PC et les consoles Playstation et Xbox.
L’histoire
Dans ce jeu qui mêle action, plateformes et puzzles, le joueur incarne une héroïne, Raji, une jeune artiste de cirque. Sa seule famille est son frère, Golu, un jeune conteur, participant à un spectacle de marionnettes. Le jour de Raksha Bandhan, le carnaval où ils se produisent est attaqué par des démons. Plusieurs démons enlèvent alors Golu et d’autres enfants.
Petite parenthèse : Raksha Bandhan est une fête qui célèbre le lien de fraternité entre deux êtres humains, en particulier un frère et une sœur. Chaque sœur y offre à son frère un bracelet, le rakhi. Le frère promet en retour de protéger sa soeur.
Raji part donc à la recherche de son frère pour le délivrer. Elle est aidée dans cette aventure par plusieurs divinités hindoues : Dourga, la déesse de la guerre, et le seigneur Vishnou. Le joueur est accompagné par la voix off de ces deux divinités, narratrices de l’histoire.
Raji traverse un paysage de ruines et récupère une première arme de la part de la déesse, un trishul (un trident), qui lui sert à venir à bout de ses ennemis démons.
Au fur et à mesure de l’intrigue, le joueur découvre que c’est le démon Mahabalasura qui est à l’origine de l’enlèvement du jeune Golu. Alors qu’il commençait à semer le chaos sur terre, ce démon a été puni par les dieux et enfermé par Shiva. Il souhaite donc se venger des dieux qui l’ont emprisonné.
Raji suit les démons qui ont enlevé son frère et d’autres enfants jusqu’à la forteresse de Jaidhar : c’est là qu’elle reçoit de la part de Vishnou une deuxième arme, un arc. Grâce à un arbre de compétences, les armes reçues peuvent être améliorées pour faciliter les combats contre des ennemis de plus en plus résistants.
En parallèle aux phases de combats, le joueur doit résoudre des puzzles afin d’avancer dans l’intrigue. Il peut aussi écouter une partie des mythes entourant les dieux du panthéon hindou lorsqu’il s’arrête devant les peintures murales.
L’univers visuel
Pour les sources d’inspiration vidéo-ludiques, le studio se réfère à des jeux vidéo comme Journey (l’univers désertique et épuré) ou Bastion (la vue en 2D isométrique).
Mais c’est avant tout dans l’architecture médiévale indienne et la mythologie hindoue qu’il faut se tourner pour retrouver les vraies sources d’inspiration du jeu.
En effet, le jeu incorpore plusieurs éléments importants de la culture indienne, comme les grands récits fondamentaux de l'hindouisme, le Mahabharata et le Ramayana. Ce dernier récit épique raconte, par exemple, la naissance et l’éducation du prince Rama - un des avatars du dieu Vishnou -, son union avec la princesse Sita et sa reconquête du trône qui aurait dû lui revenir.
Esthétiquement, le jeu s’inspire des peintures de l’école Pahari, développées sous format miniature entre le 17ème et le 19ème siècles, dans un contexte de cour.
L’architecture modélisée dans le jeu fait référence, quant à elle, aux cités médiévales du Rajasthan, en particulier pour la partie qui se déroule dans la forteresse de Jaidhar.
De nos jours, au Rajasthan, la cité de Bundi accueille encore un palais, le Gahr Palace, qui surplombe le lac Nawal Sagar, mélangeant un enchevêtrement d’appartements, de terrasses d’été avec des bassins et des jardins, de nombreux escaliers, des coursives avec des fenêtres à claustras et une foule d’ornements architecturaux en bois et en pierre.
Cependant, le jeu réserve encore un intérêt majeur : tout ce qui concerne l’hindouisme et son Panthéon.
En effet, au centre du Panthéon, se trouve la Trimurti (“trinité”) avec Vishnu, lié à la conservation du monde, Shiva, lié à la destruction, et Brahma, lié à la création. Autour d’eux, leurs épouses et de nombreux dieux secondaires.
Le jeu met l’accent sur deux divinités en particulier.
La déesse Dourga (ou Durga), déesse de la guerre, qui veille au bon déroulé de l’aventure de l’héroïne. Elle est celle qui lui donne sa première arme, le trident (trishul) de Shiva.
Dans la religion hindoue, c’est une sorte de mère protectrice déchaînant sa force contre les méchants, agissant par nécessité et non par amour de la violence. Elle est représentée chevauchant soit un lion, soit un tigre. Elle est dotée de nombreux bras, chacun tenant des armes fournies par les autres dieux du panthéon (trident, conque, arc et flèche, épée ou encore bouclier).
Elle est souvent placée face au démon-buffle Mahishasura qu’elle finit par vaincre comme on peut le voir dans ces deux bas-reliefs sculptés dans la grotte de Varaha.
Son histoire, dont celle de sa naissance, fait partie des peintures présentes dans les lieux traversés par Raji.
Le dieu Vishnou est l’autre dieu veillant sur Raji. C’est lui qui fournit à l’héroïne sa deuxième arme, l’arc céleste (Sharanga).
D’abord sceptique sur ses capacités à sauver son frère et détruire le démon qui fait peser le chaos sur la terre, le dieu finit par reconnaître ses efforts et par la soutenir.
Dans l’histoire de l’art, il est figuré avec une carnation bleue et une tiare sur la tête, tenant dans les mains plusieurs attributs : un disque, une conque, une fleur de lotus et une massue. Il lui arrive parfois d’être représenté se reposant sur le grand serpent Ananta.
Dans la mythologie hindoue, il n’a pas toujours la même forme : ainsi selon l’avatar qu’il incarne, il pourra être un homme à tête de sanglier (Varaha), un homme tortue (Kurma),…
Vous avez dû sentir que j’ai aimé ce jeu. Vous comprendrez alors mon regret à constater son peu d’audience, comme s’il s’agissait d’un “jeu de niche”. Et je m’interroge encore sur les raisons de ce succès limité…
Et on se retrouve demain sur la chaîne Twitch pour la revue de presse culturelle de la semaine à partir de 18h30 !
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