Aujourd’hui, je reviens plus en détails sur plusieurs œuvres vues (et revues) dans le jeu vidéo The Council dont je vous parlais la semaine dernière.
Pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur l’intrigue du jeu et son intérêt historique, je vous invite à consulter ceci.
Cette semaine, j’ai choisi de vous montrer les liens entre ce jeu vidéo et trois thèmes.
Les personnages historiques
The Council, c’est un “huis clos politique”. L’intrigue réunit des personnages fictifs et des personnages qui ont réellement marqué l’Histoire.
Nous retrouvons ainsi Napoléon Bonaparte qui semble une figure appréciée par les développeurs de jeu vidéo. Difficile de ne pas penser à l’un des épisodes de la série Total War (un jeu de stratégie au tour par tour), Napoléon : Total War, où le joueur dirige les armées napoléoniennes durant plusieurs campagnes, en Italie et en Egypte.
Napoléon se retrouve également dans un autre jeu de gestion, Civilization V, “Napoléon de France, le militaire le plus intelligent de l’histoire mondiale” comme il se présente lui-même.
Un hasard du calendrier fait que cette année on célèbre le bicentenaire de la mort de Napoléon (le 5 mai 1821 précisément), avec une exposition organisée à la Villette par la RMN - Grand Palais. Peut-on espérer y retrouver celui qui est dépeint dans tous ces jeux vidéos comme un homme politique ambitieux ?
Le premier président des Etats-Unis, George Washington, fait également partie des personnages que rencontre notre héros, Louis de Richet. Il est présenté ainsi dans le jeu : “Père fondateur et premier président des Etats-Unis d’Amérique. Il passa sa vie entre succès militaires et politiques.” Pour les besoins de l’intrigue tournant autour de sociétés secrètes et de réunions diplomatiques, une intrigue fictionnelle se rajoute à la vraie histoire : Sarah de Richet l’introduit dans l’Ordre doré, dont il prend plus tard la tête de la branche américaine. Il est ici invité par l’hôte du manoir, Lord Mortimer.
Il est aussi présent dans plusieurs jeux vidéos, notamment la série des jeux Civilization (le IV et le V) et la série des Assassin’s Creed, dans son opus III. Dans ce dernier, le DLC (contenu téléchargeable en plus du jeu initial), “La Tyrannie du roi Washington” présente une version alternative de la Révolution américaine dans laquelle Washington serait roi à la tête de la nation américaine.
L’Antiquité et les mythes
En cherchant sa mère dans plusieurs lieux du manoir, le héros est mis face à un nombre impressionnant d’œuvres d’art.
Ainsi dans le jardin, le joueur est confronté à plusieurs sculptures représentant des personnages du mythe de Thésée et du Minotaure. La quête s’appelle “Le Labyrinthe”. Elle fait référence au Labyrinthe construit par l’architecte Dédale à la demande du roi de Crète, Minos, pour y enfermer le Minotaure, né de l’union de Pasiphaé et d’un taureau blanc envoyé par le dieu Poséidon.
Dans cette séquence, le héros s’approche des statues et commente le mythe.
Lorsqu’il arrive à Ariane, il rappelle qu’elle était amoureuse de Thésée et que sans son aide, le héros n’aurait jamais pu ressortir du Labyrinthe : en effet, elle lui a donné un fil pour qu’il retrouve son chemin. Mais une fois le Minotaure tué, Thésée ne l’épouse pas comme il le lui avait promis et l’abandonne seule sur une île. C’est d’ailleurs ce moment où elle est abandonnée qui est le plus souvent représenté en histoire de l’art, comme le montre la sculpture des Musées du Vatican.
Devant la figure d’Icare, il rappelle que le fils de Dédale s’est trop approché du soleil et que ses ailes de cire et de plumes ont fondu, provoquant sa chute et sa mort. Devant la figure de Pasiphaé, il rappelle la naissance du Minotaure.
Le Minotaure est représenté traditionnellement comme un homme à la tête de taureau et il se retrouve dans deux autres jeux vidéos. Dans Assassin’s Creed Odyssey, il correspond à une des quatre bêtes mythiques devant être tuées par le joueur, à côté du Sphinx, du Cyclope et de la Méduse. Allié à Thésée, le joueur pourra également se confronter à lui dans le jeu Hadès.
La peinture
Elle est omniprésente dans ce jeu qui se sert des œuvres de Caravage, de Rembrandt, de Velazquez ou de Rubens.
J’ai donc choisi une œuvre parmi toutes celles qui recouvrent les murs de la Galerie des portraits : La Mort de la Vierge du Caravage.
Caravage est surtout connu pour sa diseuse de bonne aventure qui dérobe sa bourse à un jeune homme naïf ou pour ses éphèbes musiciens. Mais le peintre italien du XVIIème siècle a aussi reçu des commandes religieuses pour des églises.
En 1601, la famille d’un riche juriste, Laerzi Cherubini, commande pour sa chapelle dans l’église Santa Maria della Scala in Trastevere de Rome un tableau représentant la Mort de la Vierge.
L’artiste choisit une iconographie nouvelle : il s’éloigne de la représentation classique de Marie où sa sacralité est particulièrement mise en avant. Ici, il place la Vierge au centre de la composition, vêtue de rouge, le corps allongé et gonflé, les pieds sales et le visage d’une lividité cadavérique. Seule une fine auréole dorée lui confère un rôle sacré.
A la vue de la commande, les moines refusent le tableau, nous rapporte le marchand d’art Giulio Mancini. On critique le choix de la représentation et celui du modèle, peut-être une prostituée. Le tableau de Caravage est donc retiré et remplacé par une œuvre du peintre Carlo Saraceni sur le même sujet. C’est finalement le duc de Mantoue qui racheta l’œuvre de Caravage sur recommandation du peintre Rubens. L’œuvre entra ensuite dans les collections du roi Charles Ier d’Angleterre puis dans celles de Louis XIV, ce qui explique son exposition actuelle au musée du Louvre.
La censure exercée sur La Mort de la Vierge rappelle du cycle de saint Mathieu dans l’église Saint Louis des Français à Rome, également de Caravage. La première version du saint Mathieu écrivant sous la dictée de l’ange fut refusée à cause des pieds du saint, sales et visibles au premier plan. L’artiste a donc dû réaliser une seconde version, celle que l’on voit actuellement.
A souligner : le cycle de saint Mathieu figure aussi dans le manoir, mais dans une autre pièce.
Je terminerai sur une anecdote qui montre la finesse des concepteurs du jeu. Parmi les tableaux, le Christ crucifié de Velazquez est accompagné d’une note qui le destine à Manuel Godoy, personnage historique présent dans le jeu. Or ce tableau intégra les collections de Godoy et figura aujourd’hui au musée du Prado…
(P.S. : merci à vous d’être de plus en plus nombreux chaque semaine et merci de tous vos retours positifs et de vos partages, comme dans la dernière newsletter de Muzeodrome !)
Cette semaine, c’est le lancement de ma chaîne Twitch sur laquelle je vous parlerai d’art et de jeux vidéos, entre autres…Rendez-vous jeudi à partir de 18h30 !
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